Crédits immobiliers & professionnels 2022

4 décisions qui bousculent le marché !

Arnaud Guilleux, co-fondateur / directeur général du courtier professionnel AGEF FINANCE COURTAGE et du courtier en ligne monemprunt.com, constate un marché en tension. 

Comment vont évoluer les taux d’intérêt en 2022 ? Alors même que des niveaux historiquement bas ont été atteints en octobre dernier, la question, dans un marché en tension marqué par le retour de l’inflation, agite l’ensemble des acteurs. FED, BCE, HCSF, établissements bancaires… Arnaud Guilleux fait le point sur les comportements attendus des principaux protagonistes et analyse leurs potentielles répercussions sur les capacités d’emprunt des familles. 

La BCE aligne sa politique sur la FED - une hausse des taux limitée en Europe ! 

Le premier point d’attention porte sur la politique monétaire globale. Avec une question clé : comment la surpuissante Réserve fédérale américaine va-t-elle réagir à l’inflation la plus élevée depuis 1982 (7% en 2021) ? Un élément de réponse a été donné le 26 janvier dernier : l’institution américaine a entériné un tournant dans sa politique monétaire, en décidant de cesser d'injecter des liquidités via son programme d'achats d'actifs début mars. En plus de réduire sa politique accommodante de rachat d’actifs, la FED va compenser l’inflation en augmentant les taux directeurs. À noter qu’une première hausse (sur taux long) a d’ailleurs été observée le 11 janvier, pour s’approcher de 0 % - soit une quasi sortie du négatif inédite depuis mai 2019. 

Quant à la Banque Centrale Européenne (BCE), elle suit la tendance de la FED, mais de manière atténuée, à 0,5 % près sur les taux directeurs. En revanche, le fait qu’elle ne ralentisse pas autant le rachat d’actifs devrait avoir pour effet de limiter la hausse en Europe – le quantitative easing n’a ainsi baissé qu’au mois d’octobre. 

Le conflit entre la Russie et l’Ukraine tend encore plus le marché et peux accélérer les hausses de taux notamment du à la Stagflation (Croissance faible et forte inflation). Pour résumer cette hypothèse : à l’heure actuelle, la hausse des taux d’intérêt semble se poursuivre au moins jusqu’à la fin du premier semestre. 

De nouveaux durcissements de la part du HCSF à prévoir dans les prochains mois ? 

Sur le plan bancaire, le caractère obligatoire, depuis le 1er janvier 2022, de l’application des normes du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a été anticipé depuis l’été dernier par les établissements. Il n’y a donc pas eu d’impact réel sur le marché du crédit en janvier 2022. 

Le constat peut pousser le HCSF à durcir les critères et ratios à respecter, en particulier s’il juge que la 

bulle devient dangereuse – ce qui a été le cas en janvier, avec une hausse des prix de 15 % sur un an dans 

les villes de 50 000 à 200 000 habitants. En réaction, le HCSF pourrait par exemple décider d’abaisser à 

10 % le nombre de dossiers pouvant déroger aux règles (contre 20 % aujourd’hui) ou encore réduire le 

taux d’endettement à 32 %, assurance incluse. 

Mais pour le moment, pas de nouvelle intervention du HCSF et pas de nouvelles mesures de restriction car le marché devrait se freiner de lui-même avec les nouvelles conditions bancaires, qui évoluent au détriment des ménages pour la première fois depuis de nombreux mois. 

L’effet observé sur le marché est une hausse de taux naturelle, suite à l’inflation de 2021 assez conséquente en Europe et US et qui se poursuit encore ce début 2022 (+3% en France en janvier, +5% sur la zone euro). 

L’OAT à 10 ans qui est le meilleur indicateur du taux auquel se refinance les banques ne cesse de monter (x2 depuis le 1er février). 

Situation sur le marché des professionnels et sur l’immobilier professionnel 

La distribution des crédits professionnels n’a pas été trop impacté ces derniers mois mais toutefois on retrouve de plus en plus les critères d’apport personnel et des marges de sécurité demandée par les banques plus conséquentes : généralement signe d’une conjoncture plus tendue. 

La nouveauté se situe plus sur la partie immobilière du professionnel ou patrimoniale avec la prise en compte des SCI à l’IR mais aussi à l’impôt sur les sociétés (IS) dans les critères HSCF ce qui peut être un véritable handicap pour développer son patrimoine immobilier. Des solutions existent notamment au travers les holdings mais il faut veiller au taux de détention et aux activités prévues dans les statuts juridiques des sociétés. 

Une intégration de nouveaux ratios de la part des établissement bancaires ! 

Autre tendance à surveiller en 2022 : l’intégration de nouveaux ratios par certaines banques, telles que la Caisse d’Épargne ou la Société Générale. C’est notamment le cas du DIT (Debt To Income) à 7 ans de revenus. Cet indice correspond à 35 % d’endettement de l’année en cours – donc rien d’alarmant pour l’instant. Autre outil : le LTV (Loan To Value), soit le ratio hypothécaire égal au montant d’emprunt par rapport à la valeur réelle du bien. Si, comme attendu, ce point est davantage intégré en 2022, la conséquence serait d’accroître le montant de l’apport attendu. Ce LTV devrait être de 100 % au niveau du risque global des encours de la banque, soit la nécessité, en montant total, de disposer d’autant de financement à 110 % qu’à 90 %. Ce ne sont ici que des prévisions et des hypothèses, mais toutes vont dans le même sens : elles doivent donc être suivies avec attention. 

Un ajustement local des taux ! 

Depuis la fin du quatrième trimestre 2021, on observe que certaines grilles de taux de crédit diffèrent entre les régions, en fonction des tensions du marché. Pour les banques nationales, la marge de négociation n’est plus similaire sur l’ensemble du territoire. Les taux sont ainsi un peu plus élevés en régions parisienne et lyonnaise, par exemple jusqu’à 0,30 % au LCL sur une même grille. 

L’effet observé sur le marché est une hausse de taux naturelle, suite à l’inflation de 2021 assez conséquente en Europe et US et qui se poursuit encore ce début 2022 (+3% en France en janvier, +5% sur la zone euro). 

L’OAT à 10 ans qui est le meilleur indicateur du taux auquel se refinance les banques ne cesse de monter (x2 depuis le 1er février). 

Les banques ne se refinancent donc plus à -0.2% comme c’était le cas en mars 2021, mais plutôt à 1,30 % depuis ce début de semaine. 

Il est donc attendu une nouvelle hausse de taux d’ici la fin du trimestre pour compenser (les taux ont augmenté en moyenne de 0.20% pendant la première semaine de février). 

Nouveaux taux moyen en avril (il s’agit bien d’un taux moyen les écarts-type entre banques sont importants en moment) : 

• prêt immobilier 10 ans : 0.95% - prêt professionnel : 1,25 % 

• prêt immobilier 15 ans : 1.15% - prêt professionnel : 1,40 % 

• prêt immobilier 20 ans : 1,30% 

• prêt immobilier 25 ans : 1,45% 

Le principal frein pour le moment est le taux d’usure qui n’est pas encore remonté car basé sur le trimestre précédent : c’est donc plus difficile après 50 ans d’âge d’obtenir un crédit qui ne dépasse pas ce taux maximum de protection. 

Nouveauté également liée au contexte : les profils les plus touchés seront les bons et moyens dossiers, les plus petits emprunteurs subissant déjà un taux plus élevé avec des grilles de taux qui les distinguent des autres. 

La BCE qui souhaitait limiter la hausse de taux sur un seul trimestre va finalement faire le maximum pour qu’il n’y ait pas de hausse pendant l’un des prochains trimestres en utilisant les trois autres trimestres pour faire tampon. Il faut donc s’attendre à une hausse de taux pendant 3 trimestres sur les 4 de l’année 2022. 

Nous restons encore dans des conditions très favorables avec une hausse encore indolore donc pas d’inquiétude particulière pour le moment. 

Exemple d’une hausse de 0.30% sur le montant moyen d’un prêt immobilier en 2021 soit 193 000€ = +28€/mois sur 20 ans. 

En Synthèse 

Au bout du compte, le robinet du crédit se resserre depuis le début de l’année du aux critères HSCF et aussi à la remontée des taux. Les acheteurs les plus impactés seront, une nouvelle fois, les primo-accédants – ils verront leur budget baisser – ainsi que les investisseurs – avec une difficulté encore accrue d’obtenir des financements optimisés. La prise en compte des SCI a l’IS dans le HSCF réduit les solutions mais il en existe et la SARL de Famille échappe (pour le moment) encore à la règle. 

Enfin, la stagflation, qui fait son apparition, rend la prévision de la courbe des taux plus approximative mais la hausse devrait se poursuivre dans ce premier trimestre. 

Photo de ${article.author.name}
écrit parEmmanuel Frattini
Le 28 avril 2022

Bio:Emmanuel Frattini, travaille depuis plus de 20 ans dans l’univers bancaire. En 2017, il décide s'associer avec Arnaud Guilleux, lui aussi spécialiste du crédit immobilier pour monter Monemprunt.com. Un service de courtage 100% en ligne.

Ces articles pourraient vous intéresser :

  • Immobilier : où investir en région Grand Ouest en 2020 ?

    Image de Couverture article Immobilier : où investir en région Grand Ouest en 2020 ?

    « Après une très bonne année 2019 pour les investisseurs immobiliers, 2020 démarre fort : le taux d’emprunt annoncé par l’Observatoire Crédit Logement / CSA était de 1,13% en janvier. En début d’année, on retient ainsi que trois investisseurs sur quatre bénéficiaient d’un taux inférieur à 1% pour un emprunt d’une durée de 15 ans minimum...

  • Immobilier : Où investir en région lyonnaise en 2020

    Image de Couverture article Immobilier : Où investir en région lyonnaise en 2020

    Arnaud Guilleux, fondateur du courtier en ligne monemprunt.com, livre son analyse du marché immobilier lyonnais pour le 1er semestre 2020. Avec des taux d'emprunt qui restent historiquement bas, investir dans l'immobilier n'a jamais été aussi intéressant pour les particuliers.

  • Le prêt à taux zéro finalement maintenu en zones B2 et C pour fin 2019 jusqu’à fin 2021

    Image de Couverture article Le prêt à taux zéro  finalement maintenu en zones B2 et C pour fin 2019 jusqu’à fin 2021

    Alors que le dispositif du prêt à taux zéro devait prendre fin dans les zones B2 et C à la fin de l’année 2019, une série d’amendements adoptés mi-novembre devrait finalement prolonger sa durée de vie. Finalement, une très grande partie des communes françaises ne seront donc pas touchées par la suppression de ce dispositif incitatif à l’achat aidant les ménages à améliorer leur capacité d’emprunt. Un soulagement pour de nombreux professionnels du secteur.

Dans la même catégorie :